Bilan

Quelques réflexions après les 3 stages à Brest.

Le dernier jour, Philippe a suggéré quelque chose auquel j’avais aussi pensé: que nous demandions aux élèves de ne pas seulement faire de jam session sur un accord, une ligne de basse, ou de répéter un riff sur un groove de batterie, mais d’improviser : de jouer sans temps prédéterminé, sans clé ni structure, sans modèle ou imitation d’un genre déjà connu. C’était une excellente idée de faire travailler les élèves sur des voies qui leur étaient inconnues, les faire sortir de leurs zones de confort pour se confronter à de nouveaux domaines de la musique d’ensemble, des rythmes et des harmonies, il est vrai qu’aucun n’avait jusque là testé cette « chute libre »; sauter sans parachute dans l’abîme, faire de la musique ensemble sans les filets de sécurité de la tonalité, de la structuration rythmique ou des schémas. Il a également suggéré que les musiciens puissent changer d’instrument, de sorte que certains étudiants alternent et jouent avec les instruments des autres. Cela sonnait comme une nouvelle expérience fort plaisante, pour les batteurs, bassistes, claviéristes, sans doute plus facilement que pour des violonistes et violoncellistes, qui peuvent être plus protecteurs vis-à-vis de leurs instruments. Quoi qu’il en soit, le temps était court, les groupes voulaient continuer à pratiquer leurs morceaux, mais cette idée était plus adaptée pour le premier jour qu’à la fin du troisième. Ce n’est donc pas arrivé pour cette fois. Cependant, l’objectif que Philippe envisageait était certainement d’ouvrir l’espace pour une écoute plus profonde et plus intense et une expérience d’interaction musicale. Comme la plupart des musiciens, sauf ceux ancrée dans l’art de l’improvisation libre, étaient fortement tentés de jouer dans un environnement « sécurisé » et familier, nous devons les contraindre à quitter leurs zones de confort pour produire des sons dans des combinaisons qu’ils n’auraient jamais fait auparavant. De plus, si l’on est inhibé à explorer librement, soit par crainte du jugement, soit par d’autres, ou par notre propre oreille critique, que tel ou tel son est impropre à une utilisation dans tel ou tel contexte musical, nous limitons sévèrement la portée de notre potentiel et nous développons inévitablement des habitudes de jeu profondément ancrées et figées qui deviendront plus tard, presque impossible à briser. En tant que tuteurs, nous cherchons à trouver un équilibre entre permettre aux élèves de choisir ce qu’ils veulent faire, de développer librement leurs thèmes musicaux, et leur prescrire une approche et une direction à suivre. Il est juste de dire que certains élèves ont besoin de plus ou moins de l’un ou de l’autre. Et il est compréhensible qu’un élève entre dans la sphère musicale avec un petit sac d’idées préconçues, de techniques, d’astuces et d’expériences avec lesquelles jouer. Je considère que c’est le devoir du Mentor d’étendre la sensibilisation des étudiants à la myriade de possibilités et de permutations, mise en évidence dans l’observation des cultures musicales vastes et variées du monde, et d’élargir son expérience et sa capacité à combiner et à inventer des formes musicales en groupe. L’expérience du travail à Brest avec les étudiants a été l’une des plus agréables et des plus instructives. Mes carences, en tant qu’anglais sans connaissance fine de la langue française, aurait pu vouloir dire que j’étais presque incapable de communiquer verbalement des idées  qui allaient plus loin que « comment t’appelles-tu? », Une question que j’ai en effet posée à tous les élèves un par un, de la même façon que je me suis présenté par l’habituel « je m’appelle Dean et je suis anglais ». J’étais déterminé à ce que cette incapacité à parler la langue ne devait pas m’empêcher de transmettre à la fois les notions musicales et les théories fondamentales de l’apprentissage, de la créativité et de l’expression dont je suis chargé en tant qu’animateur. Heureusement, beaucoup, sinon tous les étudiants, possédaient quelques notions dans la compréhension de l’anglais, donc je n’étais pas dépendant exclusivement du langage des signes et de la gestuelle pour transmettre une idée, mais à aucun moment je n’ai senti que ce manque était une charge.

En fait, la nécessité d’utiliser le geste et le langage universel de la musique pour communiquer était une merveilleuse opportunité pour s’engager dans ce qu’on pourrait appeler la «communication primitive», qui, dans cet espace musical, a pu donner lieu à un accord basé sur l’échange créatif spontané et le jeu. En pratique, cela signifie que je voudrais, par exemple, lors de l’introduction de l’activité la plus importante – la respiration- jouer de l’inspiration et de l’expiration de manière audible, plier et déplier mon corps pour montrer l’action, ou « chanter » pour démontrer une idée mélodique. J’ai été en mesure d’utiliser certaines des idées développées par le défunt Butch Morris – avec certaines techniques de CONDUCTION élémentaires – des gestes et des signes destinés à effectuer un ensemble musical pour créer une composition spontanée.

Dans l’ensemble, je suis très reconnaissant pour ces occasions de développer l’enseignement de la musique en dehors de mon territoire familier car il élargit certainement mon domaine de recherche et la pratique dans le domaine de l’éducation musicale.

Dean Brodrick

 

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